
Comment expliquer que la notion de transparence occupe aujourd’hui une telle place dans les préoccupations de nos sociétés démocratiques ?
Deux mouvements y contribuent :
- d’une part l’évolution de l’esprit des peuples qui jugent le système classique de représentation insuffisant et aspirent à de nouvelles possibilités de faire entendre leur voix, y compris en dehors du cadre institutionnel classique.
- d’autre part, l’avènement des Nouvelles Technologies et leur diffusion de masse qui permet à chacun de parler à tous, ou à tout le moins d’en avoir l’illusion.
La convergence des ces deux dynamiques est largement à la racine de la notion de « Gouvernement ouvert ».
Perçu comme un progrès, le « Gouvernement ouvert » tend à donner au citoyen le sentiment d’être à nouveau en prise avec le système de décision, alors qu’il avait tendance à s’en sentir exclu ; il laisse entrevoir la possibilité d’une démocratie participative qui prendrait le pas sur la démocratie représentative.
Cette évolution peut naturellement favoriser une meilleure prise en compte des attentes du citoyen par la puissance publique, à commencer dans les relations quotidiennes qu’il entretient avec elle, qu’il s’agisse de rendre l’information plus accessible, de faciliter les démarches ou de réduire la distance et les délais d’attente.
Mais elle soulève aussi deux questions, l’une qui concerne l’organisation des pouvoirs publics, l’autre les citoyens eux-mêmes.
S’agissant des pouvoirs publics, l’expérience enseigne que même les démocraties peuvent être menacées et qu’elles ont le devoir de se défendre, à l’intérieur comme à l’extérieur. Dans quelle mesure cette exigence de préservation est-elle compatible avec la notion de transparence sans limites ?
S’agissant des citoyens, la question est aussi posée de leur propre soumission à la dictature de la transparence. Quelle est la part d’eux-mêmes qu’ils entendent voir exposer sur la place publique et quel serait l’usage de cette exposition que pourrait faire un régime politique qui ne serait pas démocratique ?
Pierre-Mathieu Duhamel
